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Voguer au Svalbard, entre fjords glaciaires et ours polaires

Cela fait maintenant trois ans que j’attends et prépare ce voyage au Spitzberg à bord du voilier Lifesong.


Le Spitzberg est l’île principale du Svalbard, un archipel Norvégien situé aux alentours du 80e parallèle, à moins de mille kilomètres du pôle nord. Ces terres polaires sont encerclées par la banquise durant la longue période hivernale mais offrent quelques mois de répit en été aux navigateurs, aux scientifiques et aux quelques amoureux de la nature qui sont prêts à affronter la glace et la solitude.



J’ai toujours été envouté par les régions polaires et les paysages de glaces et d’icebergs. C’est la troisième fois que je retrouve Christophe et Emma à bord de leur voilier pour naviguer au milieu des glaciers.

Lors de notre premier périple, il y a presque sept ans, à bord de leur ancien bateau Vénus, nous avons embarqué à Ushuaia pour sillonner les canaux de la Patagonie chilienne et passer le fameux Cap Horn à la voile.

Il y a trois ans, nous voguions sur Lifesong, un magnifique Garcia 68, au milieu des icebergs de la côte ouest du Groenland, entre fjords glaciaires et baleines à bosses.

Chacune de ces expériences m’a profondément marqué, et à peine rentré en France, je pensais déjà à la prochaine région à explorer avec eux.



Pour se rendre au Svalbard, je devais prendre quatre vols différents. En raison des grèves et des difficultés financières des compagnies aériennes au début de l’été 2022, plusieurs vols ont été annulés sans être remplacés et il a fallu se battre pour rejoindre Lifesong. Je me suis même rendu à Oslo, sans savoir si je pourrai embarquer le lendemain pour Longyearbyen, la capitale du Svalbard. Cela a découragé les cinq autres passagers prévus pour le voyage et ils ont fini par renoncer.

C’est donc seul que j’embarque sur Lifesong, pour une croisière privée de deux semaines.


Je retrouve avec une immense joie Emma, Christophe et leurs deux enfants. Je rencontre également Lucas, leur équipier pour cette saison.


Lucas Lepage, photographe de formation, est un aventurier globe-trotteur ou « nomade voyageur » comme il aime se décrire. Il a parcouru le monde pendant plus de cinq ans, à travers une quarantaine de pays, avec son objectif à la main et sa tente sur le dos. Au cours de son périple, il a réalisé deux projets photographiques autour de la scolarisation dans les écoles du bout du monde et de l’aventure des bivouacs.

Durant ces deux semaines, nous avons partagé avec Lucas de nombreux récits de voyages, des anecdotes d’aventures, des conseils de globe-trotteurs et des points de vue sur la photo. C’était le compagnon idéal pour moi, passionné de voyage et de photographie. Son histoire, ses projets et ses photos seront une grande source d’inspiration pour la suite de mon aventure.




C’est la deuxième fois que je passe le cercle polaire en été, mais j’avais presque oublié le soleil de minuit. En effet, à cette période de l’année, le soleil ne se couche jamais sous ces latitudes. Il n’y a pas d’aube, pas de zénith, ni de crépuscule. Le soleil tourne autour de nous en permanence, offrant une belle lumière pour la photographie mais nous privant du spectacle grandiose des levers et couchers de soleil. La première minute de nuit est prévue le 24 Août, je serai rentré depuis longtemps.



Première étape, la ville de Longyearbyen, abrite la grande majorité des 2800 habitants du Svalbard. Ancienne ville minière, elle sert principalement de base de départ pour des expéditions scientifiques ou pour le ravitaillement des navires. Aujourd’hui c’est un port cosmopolite, où des étudiants et scientifiques du monde entier viennent étudier la région polaire. Une fois l’avitaillement réalisé, nous levons l’ancre pour quitter la civilisation, ou du moins ce qui s’en rapproche le plus au Svalbard.



La première journée de navigation se fait au milieu d’une brume et d’un crachin glacial. Lifesong est bercé par une mauvaise houle venue du large. Ce ne sont les conditions optimales mais ce sera finalement la plus mauvaise journée du périple. Seul élément marquant de la journée, nous avons aperçu une baleine à proximité du voilier. Elle était gigantesque, plus grande qu’une baleine à bosse, peut-être était-ce une baleine bleue, le plus grand mammifère du monde.

La météo sera plus clémente par la suite, alternant entre soleil, nuages et timides éclaircies. La température est positive mais le ressenti est souvent négatif en raison du vent et des glaciers environnants.




La grande différence au Svalbard par rapport à la région du Groenland où nous étions la dernière fois, est la présence des ours polaires. Cet animal emblématique du pôle nord, est l’une des raisons majeures de ma venue ici. J’ai toujours été fasciné par les ours. Ils sont majestueux, à la fois puissants et mais souvent pacifiques, ils représentent pour moi la quintessence de la vie sauvage.


J’ai effectué plusieurs voyages pour aller observer les ours noirs et les grizzlys dans leur état naturel, en Alaska, au Canada, ou encore dans l’ouest américain. Un de mes plus grands rêves était donc de partir à la rencontre de l’ours polaire dans les terres glaciaires.


L’ours polaire est le seul prédateur 100% carnivore de la famille des ursidés. Il présente un risque pour l’homme car il peut être tenté de le chasser. Il attaque donc pour tuer et non pas pour se défendre comme les autres espèces d’ours.

Par conséquent, à chaque fois que nous quittons Lifesong, en zodiac ou à terre, il est nécessaire d’être armés de fusils. Heureusement, c’est une mesure de prévention et il n’y a que quelques accidents par an sur l’ensemble du territoire. La plupart du temps, en respectant certaines règles élémentaires de prudence, les rencontres entre l’homme et l’animal se font à distance et tout le monde repart entier.



Grâce aux compétences d’Emma, qui est « guide de l’extrême » comme j’aime l’appeler, et à son expérience acquise lors de nombreuses expéditions polaires, nous avons réalisé plusieurs marches sur glaciers lors de ces deux semaines. Equipés de crampons et piolets, nous partons explorer ces mastodontes, entre séracs, moulins et crevasses.


J’ai déjà eu la chance de m’aventurer plusieurs fois sur des glaciers ou des fronts glaciaires mais c’est la première fois que j’ai l’occasion de descendre dans une crevasse de glace. C’est à la fois enivrant et oppressant. D’un côté, plus l’on descend, et plus la glace est teintée d’un bleue translucide et parsemée de petites bulles magnifiques. De l’autre, plus on s’éloigne de la surface et plus on entend les craquements du glacier en perpétuel mouvement et plus la lumière du soleil diminue pour laisser place à la pénombre.

Lorsque je n’arrive plus à plier les genoux tellement l’espace entre les parois s’est réduit, je décide de remonter plutôt que d’être descendu comme un poids mort par Emma. Cette descente fut une expérience inoubliable.




La navigation au Svalbard est ponctuée par les passages dans les fjords glaciaires, tous plus beaux les uns que les autres. La plupart du temps, la mer est calme et plate, le voilier se faufile au milieu des icebergs et les glaciers de montagnes se reflètent à la surface de l’eau comme sur un miroir. Plus on se rapproche du front du glacier, plus l’air se refroidit et les discussions de navigation laissent place peu à peu au silence de contemplation devant la beauté des lieux.



Nous restons parfois des heures à contempler le spectacle grandiose d’un glacier qui vêle des séracs de plusieurs dizaines de mètres de hauteur, à écouter le grondement des chutes de glace et les craquements dûs au mouvement perpétuel du glacier qui avance inexorablement vers la mer.

J’ai aperçu au Svalbard, le plus grand front glaciaire que je n’avais jamais observé, plus grand même que le fameux Périto Moreno en Patagonie argentine. Le drône nous indique plus de 120m de hauteur pour plusieurs kilomètres de long. Le glacier s’étend sur toute la baie et nous offre une vision à 180° de son front glaciaire.




Sur Lifesong, toutes les activités sont possibles. Nous partions en kayak gonflable, explorer les fjords peu profonds, inaccessibles pour le voilier. Lors d’une sortie, nous étions proches de l’embouchure d’un petit cours d’eau très chargé en sédiments et nous pagayions au milieu d’une eau couleur ocre et sang. Le contraste avec les icebergs d’un bleu intense était magnifique.




J’ai aperçu pour la première fois des « mirages froids ». En effet, tout comme les très fortes chaleurs dévient les rayons lumineux et font apparaitre des mirages à l’horizon, les glaciers et les courants froids créent des mirages à la surface de l’eau et font onduler les paysages au loin.

Cela rend la recherche des ours encore plus complexe. En raison des nombreux rochers blancs sur le rivage, il est fréquent d’avoir des fausses joies avant de se rendre compte que ce n’est qu’un « caill-ours ».


Ce jour-ci, ce n’est ni un mirage, ni un caillours mais bel et bien un ours polaire que nous avons aperçu au loin aux jumelles, pendant quelques secondes. Tout l’équipage est sur le qui-vive pour le repérer et le capitaine nous rapproche doucement de l’île sur laquelle il se trouve. Une fois à proximité, nous jetons l’ancre et embarquons dans le zodiac, armés de fusils pour certains et d’un téléobjectif pour ma part.

Après quelques minutes, il apparait à deux cents mètres de nous. Il est sur une réserve protégée pour les oiseaux, mais n’en a que faire et se fait un festin en dévalisant les nids des sternes arctiques. C’est un grand et puissant mâle, dépassant probablement les 500kg. Mon rêve se réalise enfin, c’est un moment unique.



Nous allons le suivre dans sa balade, parfois sur terre, parfois en mer. Il n’est pas curieux envers nous et ne s’est rapproché à aucun moment du zodiac. Bien qu’excellent nageur, il peut parcourir plusieurs centaines de kilomètres sans s’arrêter et atteindre 10km/h dans l’eau, il sait qu’il ne peut nous attraper sur le zodiac.

Pendant deux heures, le temps semble s’arrêter pour moi, je contemple avec béatitude cet animal emblématique du pôle nord, si gracieux et majestueux. J’alterne les phases de prises de vue photographique et celles où je profite simplement de l’instant présent avec mes yeux.

Lorsque l’ours reprend la mer pour rejoindre l’île principale, nous rentrons sur Lifesong, des étoiles plein les yeux, des souvenirs plein la tête, et les chargeurs de fusils toujours complets bien évidemment.



Ce fut sans nul doute pour moi, l’un des plus grands moments de cette croisière au Svalbard.


Nous avons eu la chance d’apercevoir un second ours quelques jours plus tard alors que nous étions à terre pour se lancer à l’assaut d’un glacier, fort heureusement à bonne distance. Nous sommes rapidement rentrés au zodiac pour éviter toute altercation. De loin, nous pensions que c’était un petit et nous ne voulions pas nous retrouver nez à nez avec maman ours.



En nous rapprochant en annexe, nous avons pu l’observer pendant plus d’une heure, posé au milieu des icebergs, au pied d’un glacier. Il n’était finalement pas si petit et était vraisemblablement seul dans les parages. Les phoques nageaient paisiblement à quelques dizaines de mètres de lui. Le ballet permanent des icebergs et la lumière rasante sublimaient la scène et m’ont offert des images merveilleuses de cette seconde rencontre.




En dehors des ours, nous aurons également la chance d’apercevoir de très près, lors de nos randonnées, des rennes du Svalbard, des phoques tachetés, un renard polaire et des morses échoués sur les plages. Ces énormes mammifères inoffensifs sur terre, attaquent parfois les annexes à coups de défenses. Il faut donc rester prudent lorsqu’ils sont proches du zodiac.





Entre deux escales, les heures de navigation et la vie à bord de Lifesong se déroulent au gré des envies et des passions de chacun. Emma immortalise les magnifiques paysages au travers de ses sublimes aquarelles, Christophe peaufine les itinéraires de navigation et veille au grain sur le bateau, Lucas essaye de préparer ses futurs expositions photo lorsque les enfants lui laissent quelques minutes de répit.

L’équipage entier se relaie pour cuisiner des repas délicieux, et chaque soir nous dégustons un nouveau plat « signature », accompagné d’une bouteille de bon vin.





Pour notre dernière soirée, je souhaite aller à terre pour manger autour d’un feu de camp. Lucas qui rêve de pouvoir bivouaquer depuis son arrivée, pour renouer avec son mode vie préféré, m’accompagne pour repérer un lieu propice, avec une vue dégagée, afin de vérifier qu’un ours ne s’invite pas à notre repas.

Il n’y a pas un seul arbre qui pousse au Svalbard. Cependant, certaines plages sont couvertes de bois flotté. En effet, des centaines de tronc de la Taïga dérivent depuis les côtes de la Sibérie avant de venir s’échouer sur cet archipel.

Une fois le bois coupé et le feu lancé, Emma, Christophe et les enfants nous rejoignent avec les vivres pour commencer l’apéro.


Après avoir terminé le repas et couché les enfants, nous poursuivons cette belle soirée autour du feu, une bouteille de rhum à la main. Lucas nous raconte les anecdotes de bivouac de ses nombreux voyages, Christophe et Emma se remémorent les navigations dans les mers du sud jusqu’à l’Antarctique et nous rêvons de nos prochaines expéditions avec Lifesong. En attendant de reprendre la mer pour une nouvelle aventure, nous essayons d’imaginer ce qu’on pu ressentir les grands explorateurs des contrées polaires tels Jean Baptiste Charcot et Paul Emile Victor, véritables idoles des navigateurs de ces régions sauvages, hostiles et sublimes.



Un souvenir unique ... on vous laisse découvrir.

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Liens
  • Si vous aussi, vous souhaitez partir à l’aventure avec Lifesong, c'est par ici

  • Pour découvrir les projets et les photographies de Lucas Lepage :



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